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VIII

PIERRE DUPONT




Après 1848 Pierre Dupont a été une grande gloire. Les amateurs de la littérature sévère et soignée trouvèrent peut-être que cette gloire était trop grande. Mais aujourd’hui ils sont trop bien vengés ; car voici maintenant que Pierre Dupont est négligé plus qu’il ne convient.

En 1843, 44 et 45, une immense, interminable nuée, qui ne venait pas d’Égypte, s’abattit sur Paris. Cette nuée vomit les néo-classiques, qui certes valaient bien plusieurs légions de sauterelles. Le public était tellement las de Victor Hugo, de ses infatigables facultés, de ses indestructibles beautés, tellement irrité de l’entendre toujours appeler le juste, qu’il avait depuis quelque temps décidé, dans son âme collective, d’accepter pour idole le premier soliveau qui lui tomberait sur la tête. C’est toujours une belle histoire à raconter que la conspiration de toutes les sottises en faveur d’une médiocrité ; mais, en vérité, il y a des cas où, si véridique qu’on soit, il faut renoncer à être cru.