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décrire (et croyez qu’il n’y prend pas un mince plaisir) un mélange de gloire et de lumière. Et, si le poëte lyrique trouve occasion de parler de lui-même, il ne se peindra pas penché sur une table, barbouillant une page blanche d’horribles petits signes noirs, se battant contre la phrase rebelle ou luttant contre l’inintelligence du correcteur d’épreuves, non plus que dans une chambre pauvre, triste ou en désordre ; non plus que, s’il veut apparaître comme mort, il ne se montrera pourrissant sous le linge, dans une caisse de bois. Ce serait mentir. Horreur ! Ce serait contredire la vraie réalité, c’est-à-dire sa propre nature. Le poëte mort ne trouve pas de trop bons serviteurs dans les nymphes, les houris et les anges. Il ne peut se reposer que dans de verdoyants Elysées, ou dans des palais plus beaux et plus profonds que les architectures de vapeur bâties par les soleils couchants.

Mais moi, vêtu de pourpre, en d’éternelles fêtes,
xxxxxxxxxx Dont je prendrai ma part,
Je boirai le nectar au séjour des poëtes,
xxxxxxxxxx À côté de Ronsard.
Là, dans ces lieux, où tout a des splendeurs divines,
xxxxxxxxxx Ondes, lumière, accords,
Nos yeux s’enivreront de formes féminines
xxxxxxxxxx Plus belles que des corps ;
Et tous les deux, parmi des spectacles féeriques
xxxxxxxxxx Qui dureront toujours,
Nous nous raconterons nos batailles lyriques
xxxxxxxxxx Et nos belles amours.

J’aime cela ; je trouve dans cet amour du luxe poussé