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Quand nous découvrons dans ce paquet d’emprunts, dans ce fouillis de plagiats vagues et involontaires, dans cette pétarade d’esprit bureaucratique ou scolaire, une de ces merveilles inattendues dont nous parlions tout à l’heure, nous éprouvons quelque chose qui ressemble à un immense regret. Il est certain que l’écrivain qui a trouvé dans une de ses bonnes heures la Voulzie et la chanson de la Ferme et la Fermière, pouvait légitimement aspirer à de meilleures destinées. Puisque Moreau a pu, sans étude, sans travail, malgré de mauvaises fréquentations, sans aucun souci de rappeler à volonté les heures favorisées, être quelquefois si franchement, si simplement, si gracieusement original, combien ne l’eût-il pas été davantage et plus souvent s’il avait accepté la règle, la loi du travail, s’il avait mûri, morigéné et aiguillonné son propre talent ! Il serait devenu, tout porte à le croire, un remarquable homme de lettres. Mais il est vrai qu’il ne serait pas l’idole des fainéants et le dieu des cabarets. C’est sans doute une gloire que rien ne saurait compenser, pas même la vraie gloire.