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II

AUGUSTE BARBIER




Si je disais que le but d’Auguste Barbier a été la recherche du beau, sa recherche exclusive et primordiale, je crois qu’il se fâcherait, et visiblement il en aurait le droit. Quelque magnifiques que soient ses vers, le vers en lui-même n’a pas été son amour principal. Il s’était évidemment assigné un but qu’il croit d’une nature beaucoup plus noble et plus haute. Je n’ai ni assez d’autorité ni assez d’éloquence pour le détromper ; mais je profiterai de l’occasion qui s’offre pour traiter une fois de plus cette fastidieuse question de l’alliance du Bien avec le Beau, qui n’est devenue obscure et douteuse que par l’affaiblissement des esprits.

Je suis d’autant plus à l’aise que, d’un côté, la gloire de ce poëte est faite et que la postérité ne l’oubliera pas, et que, de l’autre, j’ai moi-même pour ses talents une admiration immense et de vieille date. Il a fait des vers superbes ; il est naturellement éloquent ; son âme a des bondissements qui enlèvent le lecteur. Sa lan-