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dictature, sans pédanterie, avec beaucoup de finesse, mais sans trop de quintessence. En écoutant cette éloquence de conversation, si loin du siècle et de son violent charabia, je ne pouvais m’empêcher de rêver à la lucidité antique, à je ne sais quel écho socratique, familièrement apporté sur l’aile d’un vent oriental. Je me retirai conquis par tant de noblesse et de douceur, subjugué par cette force spirituelle, à qui la force physique sert, pour ainsi dire, de symbole, comme pour illustrer encore la vraie doctrine et la confirmer par un nouvel argument.

Depuis cette petite fête de ma jeunesse, que d’années au plumage varié ont agité leurs ailes et pris leur vol vers le ciel avide ! Cependant, à cette heure même, je n’y puis penser sans une certaine émotion. C’est là mon excellente excuse auprès de ceux qui ont pu me trouver bien osé et un peu parvenu de parler sans façon, au début de ce travail, de mon intimité avec un homme célèbre. Mais qu’on sache que si quelques-uns d’entre nous ont pris leurs aises avec Gautier, c’est parce qu’en le permettant il semblait le désirer. Il se complaît innocemment dans une affectueuse et familière paternité. C’est encore un trait de ressemblance avec ces braves gens illustres de l’antiquité, qui aimaient la société des jeunes, et qui promenaient avec eux leur solide conversation sous de riches verdures, au bord des fleuves, ou sous des architectures nobles et simples comme leur âme.

Ce portrait, esquissé d’une façon familière, aurait