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de caractère. MM. les artistes, je parle des vrais artistes, de ceux-là qui pensent comme moi que tout ce qui n’est pas la perfection devrait se cacher, et que tout ce qui n’est pas sublime est inutile et coupable, de ceux-là qui savent qu’il y a une épouvantable profondeur dans la première idée venue, et que, parmi les manières innombrables de l’exprimer, il n’y en a tout au plus que deux ou trois d’excellentes (je suis moins sévère que La Bruyère) ; ces artistes-là, dis-je, toujours mécontents et non rassasiés, comme des âmes enfermées, ne prendront pas de travers certains badinages et certaines humeurs quinteuses dont ils souffrent aussi souvent que le critique. Eux aussi, ils savent que rien n’est plus fatigant que d’expliquer ce que tout le monde devrait savoir. Si l’ennui et le mépris peuvent être considérés comme des passions, pour eux aussi le mépris et l’ennui ont été les passions les plus difficilement rejetables, les plus fatales, les plus sous la main. Je m’impose à moi-même les dures conditions que je voudrais voir chacun s’imposer ; je me dis sans cesse : à quoi bon ? et je me demande, en supposant que j’aie exposé quelques bonnes raisons : à qui et à quoi peuvent-elles servir ? Parmi les nombreuses omissions que j’ai commises, il y en a de volontaires ; j’ai fait exprès de négliger une foule de talents évidents, trop reconnus pour être loués, pas assez singuliers, en bien ou en mal, pour servir de thème à la critique. Je m’étais imposé de chercher l’imagination à travers le Salon, et, l’ayant rarement