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plein d’autorité. Apollon et les Muses, fantômes impérieux, dont les formes divines éclatent dans la pénombre, surveillent vos pensées, assistent à vos travaux, et vous encouragent au sublime.

Au détour d’un bosquet, abritée sous de lourds ombrages, l’éternelle Mélancolie mire son visage auguste dans les eaux d’un bassin, immobiles comme elle. Et le rêveur qui passe, attristé et charmé, contemplant cette grande figure aux membres robustes, mais alanguis par une peine secrète, dit : Voilà ma sœur !

Avant de vous jeter dans le confessionnal, au fond de cette petite chapelle ébranlée par le trot des omnibus, vous êtes arrêté par un fantôme décharné et magnifique, qui soulève discrètement l’énorme couvercle de son sépulcre pour vous supplier, créature passagère, de penser à l’éternité ! Et au coin de cette allée fleurie qui mène à la sépulture de ceux qui vous sont encore chers, la figure prodigieuse du Deuil, prostrée, échevelée, noyée dans le ruisseau de ses larmes, écrasant de sa lourde désolation les restes poudreux d’un homme illustre, vous enseigne que richesse, gloire, patrie même, sont de pure frivolités, devant ce je ne sais quoi que personne n’a nommé ni défini, que l’homme n’exprime que par des adverbes mystérieux, tels que : Peut-être, Jamais, Toujours ! et qui contient, quelques-uns l’espèrent, la béatitude infinie, tant désirée, ou l’angoisse sans trêve dont la raison moderne repousse l’image avec le geste convulsif de l’agonie.

L’esprit charmé par la musique des eaux jaillissantes,