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IV

EUGÈNE DELACROIX

Le romantisme et la couleur me conduisent droit à Eugène Delacroix. J’ignore s’il est fier de sa qualité de romantique ; mais sa place est ici, parce que la majorité du public l’a depuis longtemps, et même dès sa première œuvre, constitué le chef de l’école moderne.

En entrant dans cette partie, mon cœur est plein d’une joie sereine, et je choisis à dessein mes plumes les plus neuves, tant je veux être clair et limpide, et tant je me sens aise d’aborder mon sujet le plus cher et le plus sympathique. Il faut, pour faire bien comprendre les conclusions de ce chapitre, que je remonte un peu haut dans l’histoire de ce temps-ci, et que je remette sous les yeux du public quelques pièces du procès déjà citées par les critiques et les historiens précédents, mais nécessaires pour l’ensemble de la démonstration. Du reste, ce n’est pas sans un vif plaisir que les purs enthousiastes d’Eugène Delacroix reliront un article du Constitutionnel de 1822, tiré du Salon de M. Thiers, journaliste.

« Aucun tableau ne révèle mieux, à mon avis, l’avenir d’un grand peintre, que celui de M. Delacroix, représentant le Dante et Virgile aux enfers. C’est là surtout qu’on peut remarquer ce jet de talent, cet élan de la supériorité naissante qui ranime les espé-