Page:Baudelaire - Œuvres posthumes, I, Conard, 1939.djvu/227

Cette page n’a pas encore été corrigée

du temps, et que ses discours sont les seuls qui se fassent lire avec plaisir. — M. Charles Baudelaire, dont plus d’un académicien a eu à épeler le nom barbare et inconnu, est plutôt chatouillé qu’égratigné : "M. Baudelaire a trouvé le moyen de se bâtir, à l’extrémité d’une langue de terre réputée inhabitable, et par-delà les confins du monde romantique connu, un kiosque bizarre, fort orné, fort tourmenté, mais coquet et mystérieux… Ce singulier kiosque, fait en marqueterie, d’une originalité concertée et composite, qui depuis quelque temps attire les regards à la pointe extrême du Kamschatka romantique, j’appelle cela la Folie Baudelaire. L’auteur est content d’avoir fait quelque chose d’impossible." On dirait que M. Sainte-Beuve a voulu venger M. Baudelaire des gens qui le peignent sous les traits d’un loup-garou mal famé et mal peigné ; car, un peu plus loin, il le présente, paternellement et familièrement, comme "un gentil garçon, fin de langage et tout à fait classique de formes".

L’odyssée de l’infortuné M. de Carné, éternel candidat, qui "erre maintenant comme une ombre aux confins des deux élections", est un morceau de haute et succulente ironie.

Mais où la bouffonnerie éclate dans toute sa magistrale ampleur, c’est à propos de la plus bouffonne et abracadabrante candidature qui fut jamais inventée, de mémoire d’Académie. "Le soleil est levé, retirez-vous, étoiles ! "

Quel est donc ce candidat dont la rayonnante renommée fait pâlir toutes les autres, comme le visage de Chloé, avant même qu’elle se débarbouille, efface les splendeurs de l’aurore ? Ah ! il faut bien vous le dire, car vous ne le devineriez jamais : M. le prince de Broglie, fils de M. le duc de Broglie, académicien. Le général Philippe de Ségur a pu s’asseoir à côté de son père, le vieux comte de Ségur ; mais le général était nourri de Tacite et avait écrit l’Histoire