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Ce n’est donc point, comme on l’a trop répété, par la population active des campagnes, que s’estiment les États policés : c’est par la grandeur des récoltes.

Or, la grandeur des récoltes ne s’estime point du tout par le nombre des ouvriers de culture, et par l’assiduité [151] de leur travail, ce qui est en ce moment l’erreur presque universelle de notre politique moderne.

Mais elle s’estime par la grandeur des avances souveraines, foncieres et mobiliaires des exploitations productives qui se font dans les trois regnes de la nature. Parceque le nombre des ouvriers de culture peut-être dix fois moindre, et la récolte dix fois plus abondante, si les avances sont plus grandes et meilleures.

No. II.

Du sort des simples manœuvres des Exploitations productives.

Dans plusieurs contrées de la terre connue, les hommes dévoués aux travaux journaliers de l’art productif sont encore de malheureux Esclaves attachés au sol par les liens de la servitude, c’est-à-dire, par ce titre barbare qu’on appelle le droit du plus fort, droit prétendu, qui légitimeroit les crimes les plus [152] atroces, tout aussi bien que l’attentat d’un homme qui ravit à un autre homme la liberté de sa personne, l’usage de son intelligence et de ses forces.

Dans presque tous les autres pays de notre Europe, on paroit accorder à ces ouvriers si précieux l’affranchissement personnel, mais les restes déplorables de l’antique barbarie, les font gémir sous le joug dur et flétrissant d’une fiscalité désastreuse.

Il y a donc des nuances dans le sort de ces ouvriers, ou serfs, ou réputés libres.

Premierement, dans les pays d’esclavage proprement dit, ce qui caractérise l’homme qu’on appelle serf, c’est qu’il ne peut quitter ni l’état d’ouvrier de culture ni le territoire sur lequel il est né, si ce n’est par la volonté de son maître, c’est-à-dire, d’un autre homme qui se regarde comme propriétaire de sa personne, de son industrie, de son travail, et de sa famille même.

[153] La maniere de pourvoir à la subsistance de ces hommes opprimés par la violence est différente, suivant les pays, les usages, les loix et les fantaisies des oppresseurs.