Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE II.

Analyse générale des trois Classes d’Hommes qui composent les États policés.

Article premier.
Analyse morale.


Il y a deux manieres d’envisager la masse totale des biens, ou la somme générale des jouissances utiles et agréables, qui font la conservation et le bien être de l’espece humaine sur la terre.

Les uns ne considerent cette masse que dans son état actuel ; ils la regardent comme si elle étoit nécessairement bornée à cet état : en conséquence ils tâchent de s’en assurer une portion, la meilleure qu’il leur soit possible, et de l’appliquer à leur bien-être particulier, sans penser aucunement à l’augmentation de la somme totale de ces biens : augmentation [33] dont ils ne paroissent pas même soupçonner la possibilité.

Les autres, au contraire, prennent pour principe « que la fécondité de la nature et l’industrie des hommes n’ont point de limites qu’on puisse connoître et assigner ; que la réproduction annuelle des subsistances et des matieres premieres peut s’accroître sans cesse ; que les richesses de consommation et de durée peuvent se multiplier d’années en années ; qu’ainsi le nombre des hommes et leur bien être peuvent augmenter de plus en plus. » En conséquence ils désirent cet accroissement continuel et progressif : ils se font un devoir d’y contribuer autant qu’il est en leur puissance. Les hommes qui pensent ainsi dans la spéculation, et qui se conduisent en conséquence dans la pratique, sont les vrais amis de l’humanité.

Mais il faut mettre une distinction [34] entre ceux qui ne s’occupent à opérer leur bien-être personnel qu’en s’attribuant à eux-mêmes une portion des biens actuellement existants, sans penser et sans concourrir à l’accroissement continuel et progressif de la masse totale.

Les uns usurpent ou par la force ou par la fraude, les fruits du