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son admiration exaltée à ton égard, qu’importe ! c’est trop naturel ! Je n’en serais pas jaloux. J’en ferais mon affaire !… (S’approchant de lui avec tendresse.) Est-ce qu’on ne doit pas t’admirer ?… N’est-il pas légitime qu’on t’aime ?… N’avons-nous pas tous un fétichisme pour le grand homme que tu es. Tandis que si elle t’avait appartenu… si…

BOUGUET, (lui posant la main sur l’épaule.)

Mais, l’acte physique, Blondel… ce n’est rien !

BLONDEL.

Mais c’est tout !… c’est tout !…

BOUGUET, (poussant une exclamation étouffée.)

Quels abîmes peuvent séparer deux êtres qui vivent côte à côte, du même travail, du problème de la recherche identique !

BLONDEL.

Bouguet, écoute. Je comprends ton scrupule. Il est exquis. J’apprécie la délicatesse de ta réserve ; oui, tu veux me faire comprendre, par un excès de précaution, qu’il existe certaines possessions intellectuelles, des influences morales, qui ont une importance presque égale à une possession physique, et tu redoutes, si j’épouse cette enfant (et rien n’est moins sûr que cette hypothèse), que je puisse me sentir atteint dans l’avenir par cette influence. Tu t’abuses. Si Edwige devient un jour ma femme, et je le répète, c’est infiniment douteux, je serai heureux et fier que tu gardes sur elle ton autorité et qu’elle conserve le culte même ardent qu’elle a pour toi. Quoi que tu en dises, il n’y a pas de comparaison possible ! Elle n’a pas été tienne et ce serait à moi, dès lors, de savoir me faire aimer. C’est une tâche, mais pleine d’attraits… Si je n’y réussissais pas,