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j’insulterais de raisonnable et de sacré !… On me montrerait du doigt !… Comme on aurait raison !… Folie, vous dis-je ! Et quand bien même je supporterais ce reniement de moi, quel avenir ? (Elle secoue la tête.) Non, il faut que cette dame s’en aille emportant sa vertu qui peut paraître inutile et un peu ridicule… C’est le dernier soir… Seulement, si j’ai voulu venir ici, si loin, pour l’abandonner, pauvre petit, dites-lui bien qu’il n’y a pas eu comédie de ma part, pas de cruauté calculée… Il fallait mettre de l’espace tout de suite entre nous, qu’il ne se lançât pas à ma poursuite dès le lendemain… et puis, j’ai voulu qu’il eût les bras de son père… l’atmosphère de l’enfance… sa chambre, les meubles… Je connais ça, c’est apaisant !… Il ne se sentira pas tout seul ainsi auprès de vous et au milieu des choses familières… Tandis que moi je serai dans le train à grelotter, lui entendra avec douceur, malgré tout, les bruits du matin qui auront l’air de lui dire tristement bonjour… le cri du coq, la rue du village… Alors il comprendra ma pensée et me trouvera moins cruelle !… Mais comme il va souffrir, tout de même, mon pauvre petit Julien !… Quelle nuit vous allez passer tous deux !… (Elle sanglote.) Songez qu’il est là à deux pas et que je ne reverrai plus jamais, jamais son visage !… (Elle se lève.) Où est mon chapeau ?

BOCQUET.

Vos mains tremblent.

FRÉDÉRIQUE.

Et mon manteau. (Pendant qu’il lui met le manteau.) Est-ce qu’il n’a pas appelé ?

BOCQUET.

Oui, oui !