Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chère maison !… À deux doigts du but… sentir que tout peut s’effondrer derrière moi !…

(Il s’agite.)
MADAME BOUGUET.

Ne t’enfièvre pas ainsi pour rien !… Tes craintes sont insensées… puisque la blessure est insignifiante.

BLONDEL, (intervenant et avec une énergie guerrière.)

Je paierai de ma vie, Laurent, ce que j’ai fait, car je viens de me retrouver !… et tout entier, je te le promets !

(Bouguet le regarde avec émotion, avec une nouvelle confiance. On dirait qu’une mortelle inquiétude vient de se dissiper en lui.)
BOUGUET, (souriant doucement.)

Merci. (Un temps. Il semble regarder au-dessous de lui comme pour y puiser l’inspiration.) Alors… alors… voici le grand moment venu !… Oui, le grand moment, le vôtre… celui que vous allez me donner, celui que j’attends de vous… et qui va apaiser mon âme inquiète… Après quoi je me livre aux médecins… (Ils écoutent, anxieux.) Si je meurs…

MADAME BOUGUET.

Laurent, assez, par pitié !

BOUGUET, (avec force, imposant une volonté suprême.)

… Si je meurs, vous allez me jurer que vous respecterez ma volonté testamentaire… Elle est irréductible, et, devant elle, vous vous inclinerez dans une stricte obéissance… Elle est ma dernière et ma plus ardente pensée… la seule… (Il se frappe le front.) La voici… C’est que vous oubliiez l’un et l’autre le ressentiment, la colère, le passé, nos gestes misérables, nos impuissances, et que, réunis comme les plus étroits collaborateurs, vous conti-