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JUSSIEUX.

Voilà la machine à mesurer le temps, Mademoiselle !… Ce simple gant de jeunesse… mettez-le…

HENRIETTE.

Qu’est-ce que c’est ? Vous avez l’air d’un prestidigitateur.

JUSSIEUX.

C’est cela même. Un gant retrouvé… figurez-vous… un gant de jeune fille !

HENRIETTE, (riant.)

Pas possible ! Un gant à Nono ?… conservé… J’aurais dû m’en douter… Quelle fidélité !

JUSSIEUX.

Oh ! retrouvé, retrouvé bien par hasard !… Essayez, petite Rirette… là.

(Elle le met.)
HENRIETTE.

Vous voyez qu’il est tout de même trop grand… et le bracelet retombant dessus.

JUSSIEUX.

Oui, voilà… maintenant c’est la réalité elle-même… (Il touche le bras d’Henriette sur le dossier du fauteuil. Cette fois il parle d’une voix grave, émue, profonde.) Ce gant qui s’anime… ces doigts… il me semble que je le presse, comme autrefois… Oh ! c’est à devenir fou, vraiment, à force d’évocation… Je suis ému, vous ne vous doutez pas à quel point… Me voici reporté à tant d’années en arrière !… Oh ! ne bougez pas, laissez ce petit bras un moment sur le dossier du fauteuil… mon enfant… mon enfant… laissez un instant le parfum de cette jeunesse venir jusqu’à moi… Ce gant, je le respirais,