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HENRIETTE, (sincèrement étonnée.)

Le rire ? Ah ! ça, vous m’étonnez !… J’ai donc ri en entrant.

JUSSIEUX.

Et vous riez encore. Avec moins d’éclat que tout à l’heure, voilà tout.

HENRIETTE.

Oh ! je n’appelle pas ça rire ! Vous avez cru l’entendre à vos oreilles !

JUSSIEUX.

Alors, qu’est-ce que ce doit être quand c’est ce que vous appelez rire !

HENRIETTE.

Non, vous avez vu à peu près mon maximum, et c’est un maximum auquel je n’atteins pas tous les jours.

JUSSIEUX.

Voilà qui est étrange, parce que ce qui frappe en vous, c’est, avant tout, une expression de jeunesse et de fraîcheur qui n’a pas l’air de pouvoir dégénérer en mélancolie.

HENRIETTE.

Oui, le fond de ma nature était gai. J’étais peut-être faite pour le rire, comme Nono elle-même. Seulement la vie s’est chargée de modifier tout ça.

JUSSIEUX.

Pas possible. Je vous demande pardon de mon étonnement. Je suis si peu au courant de votre vie à toutes deux… après vingt-sept ans d’absence… Vous avez eu de grands soucis ?…

(Il s’assied sur le bras d’un fauteuil en se rapprochant légèrement d’elle qui est debout, au milieu de la scène, et regarde son éventail fermé à la main, puis il le lui prend.)