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mière… ah ! mon Dieu !… seulement, avec ce visage, comment veux-tu que j’ose me présenter à cet homme après vingt-six ou vingt-sept ans… Non… je n’oserai pas !… Pourquoi sauter sur des chimères pareilles !… Décidément… je me couche, tiens, et je ne sortirai pas de huit jours.

(La robe est raccommodée.)
ÉMILIE, (rangeant la boîte et remettant la lampe à sa place.)

Mais si vous voulez bien réfléchir, c’est qu’il doit avoir passablement vieilli lui aussi, de son côté.

HONORINE, (souriant.)

À moins qu’il soit resté toujours très gentil !… Jussieux !… Est-ce qu’on m’a rapporté la robe rose que j’avais envoyé retoucher… la robe de soie ?…

ÉMILIE.

Oui, hier… Je l’ai accrochée dans la roberie.

HONORINE.

Je ne l’aime pas, cette robe… Il me semble que je suis ridicule là dedans… Elle est trop jeune pour moi.

ÉMILIE.

Pourtant, le drapé en biais du corsage est très joli.

HONORINE.

Allume !

(Émilie donne toute la lumière.)
HONORINE, (se regardant tout de suite dans la glace.)

Mon Dieu !… Mon Dieu !… Dans ces deux dernières années, j’ai encore tellement vieilli ! Regarde-moi ces yeux !… ce ravage ! Je ne suis plus que l’ombre de moi-même !… (Elle se regarde len-