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ÉMILIE.

Non, je ne me rappelle pas.

HONORINE.

Moi, ça m’a donné des palpitations. Voyons, Jussieux… j’ai dû t’en parler tant de fois… oh ! c’est loin !… c’est le bout du monde… mon premier amour romanesque de jeune fille. Tu te rappelles Toulouse, la préfecture, le cours de danse !

ÉMILIE.

Ah ! oui, je n’avais pas retenu le nom, oui… oui… un petit bonhomme dont vous m’avez parlé.

HONORINE.

Un petit bonhomme qui a maintenant… attends… diable, qu’est-ce qu’il doit avoir, le petit bonhomme !… attends, attends, c’était en 1890… 91… Il avait alors vingt-quatre à vingt-cinq ans, au plus… Tu vois que ça lui donne une pièce de cinquante-deux ou cinquante-trois ans.

ÉMILIE, (les épingles entre les dents.)

Si Madame veut bien se tenir droite. Sans quoi, je vais faire l’ourlet trop court !… Et vous ne vous êtes jamais rencontrés depuis ce temps-là ?

HONORINE.

Pas que je sache ! Nous l’avons même évité… pendant des années… Depuis, nous nous sommes rencontrés peut-être… mais nous ne nous en sommes pas aperçus ! Tiens, ça a été exactement la même aventure qui arrive à ma pauvre fille, tout se répète !… Nous étions quasiment fiancés depuis des années !… Pense donc, nous passions ensemble toutes les vacances… et c’était d’un pur !… pas ça ! Rien qu’un baiser de temps en