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peau et dans l’âme ! S’il fallait me mutiler pour lui, je me mutilerais… pour un peu j’abandonnerais jusqu’à mon fils !… Il n’y a plus de place pour rien… pour personne… Délivre-moi, Maurice !

MAURICE.

Tâche au contraire de te raccrocher de toutes tes forces à cet amour, puisque tu l’as obtenu, puisqu’on te l’a rendu, enfin !

LIANE.

Mais ce n’est pas cela qu’il faut me dire, Maurice !… Dis-moi que c’est pour mon malheur et pour le tien ! On ne me l’a jamais assez dit ! On ne m’a pas éclairée… Dis-le moi parce que tout à l’heure, il va parler… Il va parler encore, et je vais être crédule, éblouie, et je ne saurai même plus ce que je pense ! Tu vois, je m’avoue dans toute ma laideur devant toi… Je suis une courtisane, je n’ai eu que l’amour autour de moi… l’amour, toujours ! L’amour ! (Elle a un cri de tout l’être.) Oh ! donne-moi de l’air !… Force-moi, par pitié… Empêche ! Empêche !

(Elle est criante, aux genoux de Maurice.)
MAURICE.

Allons !… Cette fois, nous sommes en plein délire ! À toutes ces paroles de femme, j’opposerai au contraire un sens pratique, sain et robuste. Tu me dis : « Empêche ! » Et moi, ton fils, je te dis : « Laisse ! Laisse ! »

(Il veut s’arracher à cette étreinte.)

LIANE.

Ah ! ne dégage pas tes mains de mes mains. Serre-moi… Laisse-moi te les serrer… Je t’aime