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RANTZ.

Pour me servir de ta comparaison, le blé ne repousse pas des années de suite impunément dans le même champ. Tout amour qui dure finit par être un affadissement de la personnalité. De la terre dégénérée dans laquelle il vivait, transplantons-le dans de la bonne terre de bruyère et nous verrons bien.

LIANE.

Mais, Paul, la récolte peut-elle être aussi belle qu’autrefois.

RANTZ.

Ce sont aussi les paysans qui disent en vieillissant, avec mélancolie : « La terre ne produit plus comme autrefois. » Si les printemps de maintenant ne rendent plus ce que rendaient les autres, contentons-nous-en tout de même, Liane, et à l’ouvrage. Cultivons notre jardin… comme dit l’autre !…

LIANE.

Je te comprends. Tu ne jettes pas en vain tes feux de brillant causeur. Tu devines que j’ai trop de joie et tu veux sur cette joie jeter la cendre de ton ironie… me faire sentir ce qu’il y a de sacrifice dans ta générosité… Eh bien, non, ton scepticisme ne peut même pas gâter ma félicité. Je t’ai… Je t’adore… Je te garde pour la vie !… Alors, flûte à ton énigme… Je n’ai jamais pu te comprendre à fond, toi et ton maudit sourire, mais tant pis !… Prends-nous tout entières !

RANTZ.

Que signifie ce pluriel ?

LIANE.

Oui… toutes, nous avons un homme comme toi.