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LIANE.

Figure-toi, j’ai eu la présence d’esprit de le remettre sur la table et de prendre un pot blanc pour le casser.

RANTZ.

Pourquoi ?

LIANE.

Parce que le blanc ça porte bonheur.

RANTZ.

Ça, par exemple, est-ce assez femme !

(Ils rient tous deux bruyamment.)
LIANE.

Ah ! Quelle misère, Paul ! Quelle misère que l’on puisse rire, après, de ces choses qui vous ont conduit presque jusqu’à la mort !… que l’on puisse prendre à la légère ce qui a été toutes vos larmes, toute l’énormité de votre douleur ! Et c’est l’amour qui peut produire de pareilles métamorphoses !

RANTZ.

Mais oui, c’est sa puissance !

LIANE.

C’est son horreur aussi… sa puissance et son infirmité !

RANTZ.

Et puis, nous éprouvons la réaction, la réaction nécessaire de tant de drames. Nous rions un peu bêtement, nous rions trop, c’est vrai ! Moi aussi, moi comme toi. On a besoin de ne plus penser ! Nous venons de prendre un immense parti, parti dangereux, formidable de conséquences, mais salutaire et salubre. Alors nous détendons nos nerfs, nous étirons nos bras, devant ton feu de bois, nous nous reprenons. Mais ne soyons pas dupes