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parle et qui n’est pas, comme celui-ci, un homme de fortune, né de l’occasion et de la haine. Ah ! vous triomphiez !… Vous croyiez que j’avais abattu le jeu pour rien. Eh bien… regardez votre pendule… Il est quatre heures… et votre fille n’est pas encore là. Elle sait pourtant que vous l’attendez ici dans l’anxiété ! Comprenez-vous ce que ça prouve ? Qu’elle est consciente de ses actes, que ce n’est pas un caprice d’enfant, mais que le choix de sa vie est fait à l’heure actuelle, qu’elle ne reculera devant aucun scandale si je le veux !… Elle accepte ma vie et court ma chance !… À l’heure actuelle, elle est même en train de vous l’écrire… Allez, faites maintenant ce que vous voudrez, je suis tranquille ! Et voyez jusqu’où va ma confiance ! Je relève le défi !… Ramenez votre fille, racontez-lui le boniment… Empêchez-là de partir avec moi… Je suis sûr que ce ne sera pas pour longtemps !…

(Et les mains dans les entournures du gilet il attend.)
RANTZ.

Je vous regarde parler. Vous êtes un beau spectacle, vraiment !

MAURICE.

N’est-ce pas ?

RANTZ, (marche sur lui, les mains dans les poches, et le regarde de la tête aux pieds, avec dégoût.)

Vous avez la tête de l’emploi, d’ailleurs ! Celle d’un petit mec douteux, aux mœurs inavouables. Vous passez du ruisseau au trottoir ! C’est logique et c’est moral ! Ah ! vous tenez bien ce que vous promettiez ; je vous avais deviné tout petit… J’avais prévu votre mentalité depuis longtemps, noble rejeton d’une illustre famille !