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d’une étude plus présomptueuse et plus belle encore, celle des luttes et des amalgames que forment en nous ces deux forces : l’instinct et la volonté, les deux pôles de l’âme humaine.

Laissons les scalpels, la pédagogie, la pédanterie à ceux qui scrutent la mort, les livres, les mots. Buvons à même la vie.

Si je n’étais pas qu’un simple passant, peut-être même un simple amateur, notant des impressions fugaces et distraites, je souhaiterais de m’enfoncer dans les études opiniâtres de l’évolution spirituelle, et, à l’aide de souvenirs et d’hypothèses, en me réfugiant dans quelque solitude d’anachorète, je deviendrais celui qui s’écrie : « Nature ! nature ! je t’aime et je te hais, pour ton immensité et tes bornes, pour ta force et ton impuissance, pour ton parfum et ton néant ! Je ne puis rien concevoir hors de toi et, pourtant, j’ai la sensation que tu n’es que l’ébauche de ta perfection ! À quel cruel amour de toi tu m’as condamné ! »

Mais bornons-nous, sans génie, à notre rôle de comparse ; délaissons le rêve ambitieux d’un ouvrage d’ensemble auquel de plus qualifiés peuvent prétendre. C’est assez d’être le poète mineur qui s’est dicté à lui-même cet ordre et s’y conforme : « Sois sincère dans les mots, dans tous tes écrits, dans tous tes actes, dans tous tes désirs : sois sincère jusque dans la mort. »


Cette note a été antérieurement publiée par Henry Bataille dans le volume intitulé Écrits sur le théâtre (Crès, éditeur).