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(Elle a détourné encore la tête, honteuse de sa phrase répétée, avec un tremblement dans la voix. Et elle a un geste confus et pudique.)
MAURICE, (se lève brusquement.)

Je vous assure que c’est émouvant. Maintenant, pour la première fois, je saisis que vous êtes venue à moi sans restriction… vous laissant aller au hasard des choses, des événements… et vous êtes à la merci de ma volonté… peut-être, avec, seulement, le cœur un peu battant…

NELLIE, (fondant en larmes.)

Je vous aime ! voilà tout ! je vous aime !…

(Elle s’est complètement caché le visage contre le bois de la bergère.)
MAURICE, (ému.)

Eh bien, non ! vous serez ma petite sœur… Ce sera très chaste, et nous dirons des choses amicales et peut-être aussi des choses graves… (Il est accoudé contre le dossier du fauteuil de Nellie.) Car la vie, vraiment, ce n’est pas toujours très joli ! et pas à la hauteur de ce qu’on voudrait… (Avec une grande amertume.) Ah ! oui, parfois, dans cette chienne de vie, on voudrait faire des choses bien, des choses chic !… au-dessus de nous !… Et puis, va te faire fiche !… pas moyen !…

(Il brise la cigarette qu’il triturait dans ses doigts.)
NELLIE, (relève la tête.)

Comme votre voix est devenue amère… c’est curieux… Vous avez vraiment changé depuis tout à l’heure…

MAURICE, (et sa voix a un accent sincère, désolé.)

Mon enfant, il suffit de cinq minutes, quelquefois, pour changer, non seulement les voix, mais