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une autorité médicale à ce propos même, « grands artistes ou grands amoureux, avec leurs alternatives de force et de prostration, mais avec augmentation de la vie nerveuse et créatrice… » Ce n’est là, d’ailleurs, qu’un des petits côtés de la question, et cette authenticité est à mes yeux de peu d’importance, bien qu’elle ait présidé à la conception de cette pièce, car je n’ai jamais rien tiré que de la vie et de l’autorité du fait.

Il n’existe pas de sentiment plus usé en littérature et peut-être plus conventionnel que la fraternité de la mort et de l’amour. Toutefois, il me parut que, dans aucune occasion, la mort et l’amour ne s’étaient juxtaposés de plus éloquente et véridique façon. Ici la convention fait place à la réalité… La germination de la vie dans la mort, l’aile palpitante de l’amour se consumant à la lumière… n’avais-je pas le droit d’être tenté par ce sujet ? J’ai voulu que, semblable au modèle que me proposait la nature, l’aile du phalène fût chargée d’un peu trop d’ornements inutiles et de diaprures qui, issues de la nuit, semblent destinées à la lumière. Il appartient à l’auteur dramatique d’exalter et de critiquer en même temps son modèle, car, dans la vie, tout est admirable et critiquable. Je n’aime point, pour ma part, les personnages sympathiques. J’ai témoigné, depuis l’Enchantement, d’une volonté bien établie de mêler l’ironie à la pitié, le comique au dramatique ; il n’y a guère de réalité exacte sans cet amalgame… On m’a refusé (je dis, dans la critique seulement) le droit de considérer la nature d’un point de vue qui fût divers, et un peu universel.