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tranchant, à la parole si brève, que l’on croirait les vrais fils des dieux ? Ce sont tout bonnement des hommes avec qui nous avons été au collège, et à qui, évidemment, leurs études ont moins profité qu’à nous, puisqu’ils n’ont produit aucun ouvrage et ne peuvent faire autre chose que conchier et gâter ceux des autres. Il y aurait de quoi remplir un journal quotidien et du plus grand format : leurs bévues historiques ou autres, leurs citations controuvées, leurs fautes de français, leurs plagiats, leur radotage, leurs plaisanteries rebattues et de mauvais goût, leur pauvreté d’idées, leur manque d’intelligence et de tact, leur ignorance des choses les plus simples, fourniraient amplement aux auteurs de quoi prendre leur revanche, sans autre travail que de souligner les passages au crayon et de les reproduire textuellement, car on ne reçoit pas, avec le brevet de critique, le brevet de grand écrivain, et il ne suffit point de reprocher aux autres des fautes de langage pour n’en point faire soi-même, nos critiques le prouvent tous les jours ; mais que Messieurs Z…, K…, Y…, V…, Q…, X…, ou telle autre lettre de l’alphabet vous gourmandent au nom de la morale, c’est ce qui me révolte toujours et me fait entrer dans des colères non pareilles.

Charles X avait seul bien compris la question. En ordonnant la suppression des journaux, il rendait un grand service aux arts et à la civilisation. Les journaux sont des espèces de courtiers qui s’interposent entre les artistes et le public, entre l’État et le peuple. On sait les belles choses qui en sont résultées. Ces aboiements perpétuels assourdissent l’inspiration, et jettent une telle méfiance dans les cœurs et dans les esprits que l’on n’ose se fier ni à un poète ni à un gouverne-