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parce qu’il raconte une débauche, que de prétendre qu’un homme est vertueux parce qu’il a fait un livre de morale ; tous les jours on voit le contraire. — C’est le personnage qui parle et non l’auteur ; son héros est athée, cela ne veut pas dire qu’il soit athée ; il fait agir et parler les brigands en brigands, cela ne veut pas dire qu’il est brigand. À ce compte il faudrait guillotiner Shakespeare, Corneille et tous les tragiques ; ils ont plus commis de meurtres que Mandrin et Cartouche : on ne l’a pas fait pourtant et je ne crois pas qu’on le fasse de longtemps, si vertueuse et si morale que puisse devenir la critique.

À côté des journalistes moraux, il y a aussi les critiques utilitaires.

« À quoi sert ce livre ? Comment peut-on l’appliquer à la moralisation et au bien-être de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre ? Quoi, pas un mot des besoins de la société ? Rien de civilisant et de progressif ! Comment, au lieu de faire la grande synthèse de l’humanité, et de suivre, à travers les événements de l’histoire, les phases de l’idée régénératrice et providentielle, peut-on faire des pièces et des romans qui ne mènent à rien, et qui ne font pas avancer la génération dans le chemin de l’avenir ? C’est au poète à chercher la cause de ce malaise et à le guérir. Le moyen il le trouvera en sympathisant de cœur et d’âme avec l’humanité. Ce poète, nous l’attendons, nous l’appelons de tous nos vœux. Quand il paraîtra, à lui les acclamations de la foule, à lui les palmes, à lui les couronnes… »

Après les journalistes progressifs, et comme pour leur servir d’antithèse, il y a les journalistes blasés, qui ont habituellement vingt ou vingt-deux ans, qui ne sont jamais sortis de leur quartier et n’ont