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travers toutes ces paternes homélies : quelque soin qu’on prenne de se cacher, on voit briller de temps en temps au-dessus des métaphores et des figures de rhétorique sa petite tête plate de vipère ; on la surprend à lécher de sa langue fourchue ses lèvres toutes bleues de venin, on l’entend siffloter tout doucement à l’ombre d’une épithète insidieuse…

Il y a d’abord l’antipathie du critique pour le poète — de celui qui ne fait rien, contre celui qui fait — du frelon contre l’abeille — du cheval hongre contre l’étalon.

Vous ne vous faites critique qu’après qu’il est bien constaté à vos propres yeux que vous ne pouvez être poète. Avant de vous réduire au triste rôle de garder les manteaux et de noter les coups comme un garçon de billard, vous avez longtemps courtisé la Muse, vous avez essayé de la dévirginiser mais vous n’avez pas assez de vigueur pour cela ; l’haleine vous a manqué, et vous êtes retombé pâle et efflanqué au pied de la sainte montagne.

Je conçois donc cette haine. Il est douloureux de voir un autre s’asseoir au banquet où l’on n’est pas invité… Alors on se venge.

Il y a différentes armes et différentes manières d’être journaliste moral.

Une des principales manies de ces petits grimauds à cervelle étroite est de substituer toujours l’auteur à l’ouvrage et de recourir à la personnalité, pour donner quelque pauvre intérêt de scandale à leurs misérables rapsodies, qu’ils savent bien que personne ne lirait si elles ne contenaient que leur opinion individuelle.

Il est aussi absurde de dire qu’un homme est un ivrogne parce qu’il décrit une orgie, un débauché