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grité des mœurs littéraires, eh bien, c’est déjà quelque chose et le Phalène n’aura pas été écrit en vain !…

Mais le plus drôle de l’affaire, c’est que le public auquel on faisait vigoureusement appel pour boycotter l’ouvrage ne se soucia pas du tout de cet appel ! Il vint comme d’habitude et fit, pendant plus de deux mois, un accueil empressé, très chaleureux à l’œuvre décriée. Il parut s’émouvoir, il ne fut pas offusqué, il applaudit ; bref il agit comme s’il se trouvait en face d’une pièce sainement pensée, sainement écrite, et comme si, chose étrange, dans sa sensibilité et son intuition naturelles, il découvrait l’idéal secret de l’auteur, ou comme si, familiarisé depuis des années avec des œuvres précédentes dont il n’avait suspecté ni la sincérité ni la bonne foi, il ne pouvait croire que l’auteur lui eût apporté une autre nourriture. Sans doute s’abusait-il, — mais le public est si facilement dupe de ses larmes ! Il y avait même dans ses applaudissements une ironie qui visiblement ne s’adressait pas à l’auteur… Alors des journaux revinrent à la charge. Pourquoi diable crurent-ils que l’honneur de leur influence sur le public était engagé dans cette aventure, pourquoi s’imaginèrent-ils à tort que ce verdict, d’une part, et, de l’autre, l’indifférence de la foule à ce verdict compromettaient de façon trop apparente leur apanage de mandataires ou d’intermédiaires patentés, nous ne le saurons pas, et ce point de conscience est sans intérêt à élucider !… Écoutèrent-ils, tout à coup, des voix intérieures qui, fallacieusement, leur soufflaient qu’il y avait, dans cette méprise littéraire et dans ce don-