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vent souligner de façon perpétuelle les sursauts de l’âme, les positions de conscience ; on doit, par eux, agrandir les débats intimes. L’âme qui s’exhale, la propagation de ses ondes sonores montant jusqu’à l’azur de Tristan, n’est pas et ne doit pas être l’apanage exclusif de la musique. Ceux-là qui n’ont pas porté leur âme en vain le savent bien s’ils ont senti, à de certains moments, sourdre en eux l’harmonie des passions, tout l’orchestre de leurs désirs tendus ou désespérés. Le héros qui meurt au combat, l’amant qui clame sa passion, la victime qui gémit, l’exilé qui se révolte, la solitude qui tend les bras, tous ont projeté, à un instant quelconque, l’écho lyrique de leur élan. Pour le traduire au théâtre, point n’est besoin de poésie artificielle ni de la métrique des vers. Au contraire, ce rythme voulu, cette fausse cadence qui engendre si facilement l’enflure et la rhétorique, ne sont que le poids mort de l’inspiration. Pas besoin même d’un vocabulaire bien étendu. De pauvres mots, de pauvres mots ordinaires, mais soulevés par le rythme vrai, scandés par les mouvements générateurs de l’âme, ce serait suffisant ! L’art dramatique ne doit pas renier sa forme première ; il ne peut pas mentir aux origines de l’ode. Mais plus il va, plus il doit s’allier à la réalité. Soulever le spectateur de cette réalité stricte jusqu’à l’essor de l’ode éternelle, jusqu’à l’art apollinien, ce sera le but des générations de demain peut-être. Je suis persuadé que, tout en faisant vrai, on peut atteindre à la valeur du chant et à la symphonie musicale.

Pourquoi, par exemple, en musique, le duo atteint-il les régions de l’infini lorsque c’est Tristan et Ysolde qui le chantent ? Pourquoi, au