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Scène VIII


THYRA, PHILIPPE

PHILIPPE, (rentrant, après avoir regardé la table.)

Vous téléphonez ?

THYRA.

En effet…

PHILIPPE.

À qui ? À cet homme, n’est-ce pas ? Allons ! Avouez-le ! (Thyra ne dit rien.) Oh ! je ne reviens pas pour vous surveiller…

THYRA.

Je vous y autorise maintenant. Je ne vous cache rien et n’ai plus rien à vous cacher. Prenez le récepteur… si le cœur vous en dit par exemple !… (Le prince fait un geste de répulsion, alors elle s’approche du téléphone et parle.) Non, non, ce n’était rien. J’avais cru entendre sonner, mais je m’étais trompée. Ce devait être à côté !… (Elle rit encore à une réponse. Elle parle cette fois exprès très haut pour être bien comprise de Philippe.) Non, ce n’était pas Glorifiæ Cupido ! (Philippe a un mouvement de colère. Elle fait signe à Philippe de prendre le récepteur. Il le refuse.) Moi, je suis prise d’une lassitude de tout, immense, infinie ! Vous n’imaginerez jamais, mon cher, à quel point !… Et encore le mot lassitude n’est certainement pas suffisant… Un autre mot s’impose… dégoût !… Tenez, j’ai là, sur ma gorge, un collier de verroterie qu’il m’a passé au cou au moment où je suis partie en me disant : « Je suis bien sûr que si vous le portez, un jour je vous rencontrerai et vous reconnaîtrai… »