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tifier qu’une chose, Madame, c’est que vous n’entendrez plus jamais parler de nous, ni de lui, ni de moi.

(Elle dit cela d’une voix polie, presque humble.)
LE DUC, (vivement.)

Je désire même que nous prenions des dispositions à ce sujet.

MADAME ARMAURY, (l’arrêtant du geste.)

Une seconde, je vous en prie, une seconde… vous venez de m’envoyer le coup à bout portant, j’ai du plomb dans la tête… mais ça va passer… le temps de me remettre…

LE DUC.

C’est tout notre bonheur qui s’écroule…

MADAME ARMAURY.

Oh ! je vous comprends. Mais c’est aussi le mien qui s’en va… Je vous demande pardon de le pleurer.

(Elle va en chancelant à un fauteuil et met la tête dans sa main.)
LE DUC, (la regardant pleurer.)

Bien que j’en aie douté, je l’avoue, bien que j’aie cru un instant que vous plastronniez pour couvrir la faute de votre mari, je vois maintenant que vous n’avez, pas plus que nous, soupçonné l’ignoble vérité. Pardon, si la colère m’a emporté, pardon de ma brutalité, Madame, mais nous avons tous été ses dupes, par trop naïves. Cet homme avait tout un passé et toute une réputation qui le garantissaient si bien ! Je m’excuse de ne pouvoir, à votre douleur, apporter plus de ménagement, mais il nous a distribué à chacun un lot de souffrances que nous ne pouvons départager. Prenons-en chacun notre charge ; ce n’est pas vous qui