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ELLE.


Mon haleine a terni tous les miroirsC’est bien
ce que je disais. Je suis affreuse !

(Elle le rejette, et, avec un soupir d’impatience, va au piano, près des colonnettes, au fond.)


ce que je disais. Je suis affreuse !Aimez-vous
la musique ? Êtes-vous un peu musicien ?

LUI, (reste en place.)


Un peu.

ELLE.


Un peu.Connaissez-vous cet air ?

(Debout elle pianote.)
LUI.


Un peu. Connaissez-vous cet air ?Oui… un soir d’août
quelque part, il me semble… un air de casino…

ELLE.


Oui, c’est un air de la Bohême… Très piano…

(Elle s’assied et joue la valse de la Vie de Bohème.)
L’OMBRE, (s’approche, furtive, de lui.)


Écoute… Souviens-toi. C’est nous, la mer, les plages…
valses de casino, grands soirs mélancoliques
aux terrasses… flots bleus… lumières… noirs ombrages.

(Il semble que des violons lointains réattaquent la valse, pendant que le piano continue.)


Vois, un bonheur banal pleure dans la musique,
le nôtre, nos départs, nos amours, nos vertiges,
tout ce que nous avons laissé de par le monde,
de jeunesse mêlée et d’amoureux vestiges…
Écoute, nous avons terminé notre conte…
D’autres le referont avec les mêmes flots,