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préalables ; mais s’il revêt l’apparence du désir pur, l’instinct s’en distingue aussi par des complexités multiples. Faire de l’instinct, même chez l’animal, une force entièrement aveugle, immuable, est une simple théorie ; on a reconnu qu’il y a un passage perpétuel du réflexe à l’instinct, de l’instinct à l’activité réfléchie : les impulsions instinctives s’enrichissent ou se compliquent suivant les conditions vitales des espèces et de l’individu. L’instinct qui pousse le chien à sauver la vie à son maître participe de l’intuition réfléchie, mais c’est un instinct tout de même. L’amour sous sa forme la plus effective, la plus généreuse, par conséquent la plus opposée à l’instinct de conservation, existe chez les animaux et doit être considérée comme une émanation de l’instinct. La sélection par l’accouplement (c’est-à-dire le mariage lui-même et l’amour dans sa tendance la plus haute) se vérifie dans la nature. Voyez certains couples d’oiseaux et le dépérissement de celui des deux qui survit à l’autre. L’instinct mis au service de nos facultés intuitives, est tout un monde dont les forces sont encore, semble-t-il, indéchiffrées et qui, créant la volonté, a, dans tous nos actes, une participation que nous ne mesurons pas encore. On pourrait, en s’appuyant sur lui, et en le prenant pour base en tirer presque un code primitif et subconscient que nous appellerions l’Évangile naturel, auquel, bien entendu, il ne faudrait pas pour cela se soumettre sans contrôle, car ce serait alors la négation même du progrès et de l’évolution ; — mais nos complexités y trouveraient souvent l’avantage de se retremper et d’être régies selon des fins normales ; nous y retrouverions aussi les sources pures du sentiment et nous y examinerions méthodique-