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NEKLUDOFF.

Que diriez-vous si, avant de nous donner l’un à l’autre pour toujours, je vous disais ceci, que je ne suis pas un honnête homme ?

MISSY, souriant.

Je ne vous croirais pas. Je dirais : le voilà encore dans ses idées noires !

NEKLUDOFF.

Même si, en vous regardant bien dans les yeux, je répétais : « Missy, j’ai une faute grave à réparer et je ne suis pas un honnête homme. »

MISSY, après l'avoir bien regardé dans les yeux.

Dans ce cas, je vous répondrais : Dimitri, si vous prétendez avoir une faute grave à réparer, c’est donc que vous avez la possibilité de le faire… Eh bien, déchargez-vous de ce soin, rien n’est plus simple.

NEKLUDOFF.

Merci… Oui, mon enfant… Vous venez, tout doucement et sans le savoir, de dire la plus belle parole du monde, et de résumer exactement tout ce que je sens en moi d’indéfinissable… Je suis en proie à une très grande émotion. Depuis trois heures s’agitent en moi des remords, des angoisses, des enthousiasmes, de l’orgueil, beaucoup d’orgueil aussi… Je me trouve en présence de ma faute, de la grande faute de ma vie, et je sens très bien que je n’aurai pas de paix que je ne l'aie réparée…