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NEKLUDOFF, répétant sur un ton solennel, résolu et méthodique.

S’il le faut, je me marierai avec vous.

LA MASLOWA le regarde, les lèvres tremblantes. Elle dit à voix étouffée.

Il ne manquait plus que cela !

NEKLUDOFF.

J’ai le sentiment que, devant Dieu, je dois le faire.

LA MASLOWA, hurlant tout à coup.

Et le voilà encore qui parle de Dieu ! par-dessus le marché ! Dieu ! Quel Dieu ? Il n’y en a pas ! Vous auriez mieux fait de penser à Dieu le jour où… où…

(Elle approche sa figure de Nekludoff ; il lui prend la tête et sent alors la forte odeur d’eau-de-vie qui s’exhale de sa bouche.)
NEKLUDOFF.

La malheureuse !… mais elle est ivre ! Calme-toi, voyons.

LA MASLOWA, s’arrachant de ses mains.

Je n’ai pas besoin de me calmer ! Tu crois que je suis ivre ? Eh bien oui, oui je suis ivre… mais je sais ce que je dis tout de même ! (Toute sa colère lui est remontée d’un coup à la gorge. Elle trépigne sur place et continue de hurler.). Je suis une fille publique, une condamnée au bagne, et vous, vous êtes un seigneur, un prince. Vous n’avez rien à faire avec