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mêmes instants, selon les caprices et les lois de la vie. J’eus la douce joie réalisée de voir pleurer et rire en même temps, d’un même sentiment, ces spectateurs sincères anonymes qui composent notre meilleur aréopage. L’épreuve avait réussi. Mais qu’est ce peu de chose à côté de ce qui reste à faire ?

Le Masque à son tour tentait d’apporter sur la scène une psychologie un peu moins simpliste et des personnages d’une sincérité moins élémentaire que celle que l’on a accoutumé d’y voir le plus souvent. Certes, le visage de la vie est d’une expression infiniment multiple et subtile. Le roman sait le réfléchir. Il est injuste qu’on ne laisse au théâtre que la suprématie de la violence et de l’action et qu’on lui accorde un droit si limité d’exploration. J’ai voulu dans Le Masque montrer chez mes héros une sincérité un peu plus nuancée que ces sincérités de théâtre toutes faites à quoi se reconnaît généralement l’éternel et fastidieux personnage sympathique.

Pour champ de démonstration, j’ai pris délibérément un milieu de cérébraux, parmi ces gens qui interprètent toujours l’existence. Et l’ironie avec laquelle il sied d’assister au spectacle de leurs gestes, n’exclut pas l’intérêt ni la beauté qu’ils comportent. Sont-ce là des états d’âme trop compliqués pour le public ? D’aucuns le prétendent. Pour ma part, je ne m’en suis pas aperçu, du moins en cette occasion.

Un public c’est des êtres, des âmes qui écoutent rassemblées ; ces spectateurs divers s’assimilent différemment les vérités qu’on leur jette et l’essentiel est qu’ils en emportent au sortir du spectacle une parcelle quelconque, fût-elle « pas plus grosse que l’œil d’un roitelet », comme disait Shakespeare.

Mais à ce jeu de réformer une à une les lois faussées