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venir. Vous voulez… Vous voulez me faire sortir de mes gonds. Je vois ça !

MADAME LEVASSEUR.

Vous aurez beau faire, le fruit de la faute n’est pas, aux yeux de la société, la même chose que celui qui est né de l’amour.

JEANNE, (tout à coup dressée.)

Il est né de l’amour, lui aussi, comme l’autre !… Oui, de l’amour ! Cette chair-là, c’était de la chair d’amour avant de devenir de la chair à canon, ça a été pétri comme les autres dans les baisers, et elle a saigné sous la mitraille. C’est avec cette chair qu’on a défendu la patrie ! Et quant à moi la fille, la fille, comme vous le dites, elle a aimé de toutes ses forces, et ça a été le seul amour de sa vie !… J’ai failli en mourir… C’était bien aussi de l’amour, Madame, allez… l’amour qui tue, qui pleure, l’amour de mes vingt ans… L’amour de mon cœur, de toute ma chair… Et tu le sais bien… toi… toi !… que j’ai adoré et qui m’as brisé le cœur.

(Elle éclate en sanglots.)
LEVASSEUR.

Assez ! assez !

PHILIPPE, (entraîne sa mère.)

Cette fois, viens, maman !… Pas ces paroles devant toi !…

MADAME LEVASSEUR.

Non ! Laisse !

JEANNE.

Pourquoi me pousse-t-on à bout, aussi !