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MADAME LEVASSEUR, (continuant.)

Je peux bien le confesser, à ce moment-là, je fus terrorisée par son énergie.

PHILIPPE.

Tu ne pouvais pas te douter, maman — pas plus que moi, d’ailleurs — que deux mois après surviendrait l’Armistice et que je n’aurais pas eu le temps d’exposer considérablement ma vie…

MADAME LEVASSEUR.

Les voilà bien, ces héros !… La manie de se dénigrer, de diminuer leur mérite… Ah ! c’est bien français… On ne la changera jamais, la France !… N’importe, mon enfant, j’ai frémi pour toi, je l’avoue.

LEVASSEUR, (bas.)

C’est le laïus !

MADAME LEVASSEUR.

Mais ça a été la source de ma régénérescence !… Quand tu es revenu et que vous avez pris, ton père et toi, mille précautions oratoires pour m’avouer la raison qui t’avait déterminé à partir, manifestement, vous vous disiez : « Comment va-t-elle encaisser qu’il y avait dans la vie de son mari un fils naturel, un fils qui, bien qu’il ait été à l’honneur, n’en était pas moins né de l’inconduite. » Avouez, capons, que vous vous étiez dit : « Ça va être dur ! »… Eh bien ! non, voilà le miracle ! Mon esprit, tout naturellement, sans que je m’en sois aperçue, s’était agrandi, élargi… Lequel de vous a été le plus étonné ?

LEVASSEUR.

Moi, sans conteste.