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LE DOMESTIQUE, (entrant.)

Madame est servie !

(Levasseur, en tenant l’appareil, s’est retourné vers le domestique. Il fait signe à Madame Levasseur et à Philippe d’aller se mettre à table. Pendant que Madame Levasseur et Philippe passent dans la salle à manger, Levasseur s’adresse à l’appareil et ponctue le silence de « certainement, certainement ». Sur le pas de la porte, Madame Levasseur se retourne et dit : « Invite-le à dîner pour un de ces soirs. » Sur quoi Levasseur répond : « Chut ! chut ! tu m’empêches d’entendre. »)
LEVASSEUR, (aux autres, sans lâcher le récepteur.)

Mettez-vous à table, j’arrive, j’ai fini. (Dans le téléphone.) Quoi ? Parlez, parlez, mon bon, c’est bien votre tour. (Philippe et sa mère sont au fond dans la salle à manger, la porte ouverte. On les voit attaquer le déjeuner. Le domestique tient à la main une bouteille de champagne. Levasseur, à droite, est inaperçu complètement d’eux. On entend une légère détonation dans la salle à manger.) Quel est ce coup de canon ?

MADAME LEVASSEUR, (de la salle à manger.)

C’est le bouchon de la bouteille de champagne qui a sauté.

LEVASSEUR.

Si Terroul entendait ça, il trouverait le champagne prématuré. (Au téléphone, en le posant sur la table.) Rien, rien, mon cher… À la bonne heure ! avec vous, c’est un plaisir de causer !… (Il a posé l’appareil et parle les deux mains dans ses poches.) Je vous le dis tout net : jamais vous ne m’avez été de votre vie plus sympathique ! Quoi ? Je vous demande pardon, j’entends ma femme et mon fils qui m’appellent pour déjeuner… Et vous-même d’ailleurs, j’abuse, je crois bien ! (Il crie.)