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pour ces héros ! Vous verrez ça ! L’après-guerre sera une époque rudement intéressante et rémunératrice pour ceux qui auront été à la peine ! Quel âge a-t-il déjà exactement ? Vingt-huit ou vingt-neuf ans, maintenant ?

JEANNE.

Vingt-neuf. Paul est de la classe 1908, rappelez-vous. Il est du 12 avril 1888, le 12 avril !

LEVASSEUR, (après un temps.)

Écoutez-moi, répondez-moi sincèrement, est-ce vous ?… est-ce lui ?… enfin lequel des deux a eu l’idée très touchante… oui, très touchante et qui m’a remué en effet, de m’envoyer, l’année dernière, sous enveloppe, sa photographie en poilu !

JEANNE.

C’est moi, je savais que cela vous ferait tout de même plaisir d’avoir ça.

LEVASSEUR, (remonte au-dessus du bureau.)

Je l’ai mise dans un coin à part… et quelquefois… j’ouvre le tiroir…

JEANNE.

C’est vrai… c’est vrai, dites ?

LEVASSEUR, (à Jeanne qui pleure.)

Chut ! chut ! dominons-nous… Ah ! que la vie est mal faite, injuste… Nul plus que moi ne l’a senti, et parfois très cruellement… J’ai, toute mon existence, été partagé entre mes devoirs et mes timidités… On pourrait me mal juger, si l’on me jugeait seulement à mes actes !

JEANNE, (simplement.)

Pas moi !… Des paroles, comme celles que vous