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CHAVRES.

Je resterai jusqu’à ce qu’un autre m’informe que je suis de trop.

SERGE, (ricanant.)

Vieux stratège, va !… J’ai lu jadis ton livre !… Tu es de ceux qui n’abandonnent pas le champ de bataille avant d’avoir été vaincu.

CHAVRES.

Cette mauvaise gouaille fait prévoir que tu n’as pas renoncé à mettre tes batteries en œuvre contre ton père… Crois-tu valoir mieux que lui !

SERGE.

Je l’ai cru, je ne le crois plus !… Nous avons des traits communs, cher papa.

CHAVRES.

Lesquels ?

SERGE.

Un père débauché ne peut engendrer que des fils dissolus.

CHAVRES.

Alors, pourquoi me parles-tu, non comme un égal, mais comme un rival… Ah ! prends garde, Serge, prends garde… Il y a toujours eu du feu dans nos frictions, mais aujourd’hui ton irrespect passe les bornes !… Pourquoi ma présence t’irrite-t-elle ?…

SERGE.

Parce qu’elle est une amère ironie de la destinée, bien plus que tu ne le supposes… As-tu compris maintenant ? La vie achève quelquefois avec le fils le roman qu’elle avait ébauché avec la père… Ça s’est vu !