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de guerre, les termites de la calomnie organisée sont là pour pétrir automatiquement les pincées de boue qu’ils puisent à la grande auge. Non contents de déshonorer la presse, ils rendent vains les efforts des moralistes et des écrivains sérieux. Plus d’un a remarqué tristement qu’entre la satire du moraliste et le pamphlet du calomniateur, le public mis en garde par trop d’expériences ne sait plus distinguer : il confond dans la même défiance l’œuvre de salubrité et le trafic d’intérêt. Heureusement, ces manufactures de calomnies officielles et privées se sont tellement discréditées elles-mêmes que si elles parviennent à jeter la suspicion sur les bonnes entreprises, elles n’arrivent pourtant point à renouveler leur propre crédit auprès d’une foule que les excès de duperie ont lassée depuis longtemps.

J’en ai eu encore la preuve à propos de cette pièce qui ne prétend pas à être une œuvre importante, mais que défendait sa sincérité. La masse profonde du public ne s’y est pas trompée et cette fois encore la conspiration dirigée contre la pièce a fait long feu.

Il sera néanmoins intéressant plus tard pour l’information littéraire de rechercher quel a été durant la guerre le réveil de la critique dramatique après trois années de silence. Le formidable événement, hélas, ne paraît avoir été d’aucune conséquence pour elle. Aucune évolution. Elle est demeurée semblable à elle-même ; elle a amplifié le ton, voilà tout. Les injures dont j’ai été abreuvé cette fois passent de beaucoup celles que j’avais reçues pour mes pièces précédentes. On sent une volonté plus ramassée de donner le coup décisif. Il est inconnu qu’un écrivain, surtout un auteur dramatique, ait été attaqué avec autant d’âpreté. Les invectives de ce genre sont généralement ré-