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tiques, tout en les choisissant parmi les plus expressifs de son temps, de même que les conflits, imaginés ou reproduits par lui, devront être exacts, mais allégoriques et généraux le plus possible. Notre plus haute recherche, notre ambition la meilleure tiennent tout entières dans ce dilemme.

L’Amazone qui sera représentée demain soir est donc comme mes pièces précédentes une « pièce de consciences ». Les états d’âme que j’y ai portés sont issus de la guerre, inspirés par elle. On pourra suivre comme d’habitude une anecdote rigoureusement plausible et même véridique ; mais ceux qui voudront bien réfléchir un peu n’auront pas de peine à démêler que chaque personnage, sous ses simples apparences, a des prolongements qu’il sera aisé de suivre, à la réflexion. C’est la réalité de la guerre envisagée sans artifice et abordée, si j’ose dire, de plain-pied. Ce sont trois petits actes qui décrivent le précipité chimique du formidable événement, ses répercussions sur une famille, sur l’amour, sur certaines forces tumultueuses de l’âme. Dans cette très simple et très normale aventure bourgeoise, le public distinguera que le personnage central, l’Amazone, représente l’idéal sous les traits de la jeunesse qui a soulevé, arraché l’homme à son foyer et entraîné le monde. Dans l’autre personnage de femme, j’ai voulu représenter l’humanité douloureuse et déchirée, partagée entre ses devoirs et ses instincts. Je demeure persuadé que la vraie foule douloureuse et pensive écoutera les sanglots ou les rires de nos personnages nouveaux avec autant d’attention qu’elle écoutait les sanglots et les rires de nos personnages précédents, et peut-être, ajoutera-t-elle, sans déplaisir, aux longs défilés de nos héroïnes d’autrefois, ce type récent de femme que la guerre a engendré, cette amazone qui représente la femme nouvelle, une