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misérable qui ne devrait pas compter dans ta vie ?… Père ! Père !… laisse-moi le crier ce mot… ce beau mot, tout au moins à mon aise ! Père, mon père par les idées… par tout ce que tu m’as inculqué de toi !… C’est la plus haute des paternités, celle-là, je viens de le comprendre tout à coup… L’autre n’est rien en comparaison ! Tu ne m’as pas créée, peut-être… mais tu m’as animée, tu m’as pétrie… c’est mieux !… Quand je me croyais ta fille, j’étais là, craintive… ma chair tremblait !… Regarde maintenant, je ne tremble plus !… Je suis seulement libérée de tous les misérables liens charnels ! Ah ! elle croyait m’enlever la joie d’être ta créature !… L’imbécile !… (Le doigt tendu vers le front de Dartès.) Mes origines, les voilà !… Au-dessus de tout, il y a la grande paternité des idées !… Oui… mille fois oui… tu m’as enfantée !… Jamais je ne me suis sentie plus ta fille qu’en ce moment !… En avant, père, du côté de ton devoir !… Il est là ! C’est ton enfant qui te le crie !… En avant, du côté de ton idéal ! (Elle va à la fenêtre.) Il est encore temps… tout le monde n’est pas parti !… (Elle appelle.) Hop ! hop ! Menessier… Tardieu… Ils sont là sur le trottoir…

DARTÈS.

Qu’est-ce que tu fais ?

RENÉE.

Je les appelle… (Elle crie.) Il accepte, venez vite, mon père accepte ! C’est décidé !… (Elle repousse la fenêtre et va à Dartès.) Car tu acceptes, n’est-ce pas ?

DARTÈS.

Si j’accepte !… Moi aussi, je me résignais, par amour pour toi, au renoncement le plus affreux.