Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et tacite que compose maintenant ce peuple de veuves, de pères sans enfants, d’orphelins, d’esseulés, ou dans l’angoisse de le devenir ! Comme elle comprend la sincérité, celle-là !

Par ailleurs, dans une partie de la presse, j’ai été insulté, gratifié de boue et honteusement calomnié. Qu’importe si les pharisiens ont parlé de sacrilège au nom d’un public qui n’y a même pas pris garde ! qu’importe qu’ils aient clamé, « cachez ce sein rouge que nous ne saurions voir », en réclamant un petit encouragement pour le civil. Rien n’a empêché le sentiment populaire de réserver pendant des mois à la pièce l’accueil qu’il fait à toute sincérité. Depuis deux ans la presse préférait sans doute consacrer ses louanges aux innombrables histoires d’espions, aux opérettes sur la guerre, aux défilés de petites femmes déguisées en porte-drapeau, aux « on les aura » piétinés sur les planches des tréteaux, avec force baïonnettes de carton, etc… Le théâtre en était là après deux ans de guerre. Il aurait pu se taire, il parlait. Je trouvais ce genre de paroles dégradant pour le public de mon pays. Alors j’ai pensé que l’heure était venue et qu’il fallait élever la voix. L’Amazone n’est qu’une petite porte ouverte sur l’espace, voilà tout. Ce n’est qu’un pâle début, mais il m’a semblé qu’il devenait nécessaire et salubre, dans une époque comme celle que nous traversons. La veille de la représentation, je faisais paraître dans un quotidien l’avant-propos suivant :

« J’accueille avec plaisir l’occasion qui m’est offerte d’expliquer pourquoi je me suis permis de porter, pour la première fois, à la scène, un peu de cette grande vérité qui étreint un pays entier, mais