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scrupules ou vergogneuse de prendre les devants, sous le déguisement du patriotisme, sous le masque défoncé de l’honnête homme — masque que d’un revers de main, peut-être, le peuple soufflettera, à l’heure où il pourra parler et agir.

Parlons de la défense du sol envahi, et de la hideuse nécessité de la guerre, mais défions-nous de ses panégyristes.

Je vénère les hautes et pures convictions, — je m’incline respectueusement devant l’esprit religieux qui tire la loi de son Christ, mais je renie aussi bien ceux qui s’écrient comme l’archevêque de Bordeaux : « la guerre est un apôtre suscité de Dieu dans un but de régénération religieuse et sociale », que ceux qui, comme le protestant Johannes Muller, écrivent : « Si Jésus vivait aujourd’hui au milieu de nous, il aurait sans hésiter, comme allemand, pris les armes tout brûlant d’amour pour sa patrie… » Quelle insulte à la couronne d’épines !… Quelle injure au patriotisme libéral et populaire !… Ils ne passeront pas ! ni ceux-là ni les autres !… Ce n’est pas pour eux que de si grands yeux se sont clos. Ce n’est pas pour eux que les hommes de France ont donné leur vie et dit adieu à la lumière du jour… Pas de régénération ! Oh ! le blasphème ! Jamais mon pays n’avait été plus beau ni plus grand que lorsqu’a éclaté le cataclysme. Inutile de baver sur la France d’hier. Celle d’aujourd’hui ne s’est pas improvisée, — et elle vient de prouver surabondamment sa hauteur d’âme ; ceux qui se livrent à des anticipations de ce genre sont pour la plupart des esprits au rancart, des réactionnaires à qui la guerre ne fait pas oublier leur visée. Il n’y a pas d’enfant prodigue, a dit quelqu’un ; ne tuons pas le veau gras.

Pas de régénération, non !… Mais une évolu-