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n’éprouve aucun sentiment de cet ordre et je n’ai ni la prétention, ni l’espoir qu’elle modifie ses seniments à mon égard… Seulement, moi je l’aime… ardemment. Je défendrai son bonheur, le mien !…

(La porte s’ouvre, entre Ginette.)


Scène XVI


GINETTE, DUARD, CÉCILE

GINETTE, (elle porte un costume sombre, minable et taché.)

Vous souvenez-vous de ce costume, Cécile ? Celui que je portais un soir où j’ai sonné à votre porte… C’est mon costume d’émigrée… sale, usé, criblé… pourri de pluie, de boue, de poussière. Tel qu’il était dans sa misère affreuse, nous l’avions, par la suite, bien rangé dans une armoire… vous vous rappelez ! Hier encore, à Saint-Jean, avant de refermer le couvercle de la malle, j’avais eu soin de placer précieusement le costume au-dessus de toutes mes autres affaires. Oh ! je n’ai même pas eu à défaire la malle qu’on venait d’apporter. J’ai soulevé à peine le couvercle et regardez-moi Cécile, c’est pour vous, pour vous que je l’ai remis. Telle que vous m’avez vue arriver, telle je repars… trois ans après…

CÉCILE.

Ginette ! c’est votre décision ?

DUARD.

Vous dites ?

GINETTE.

On pourrait se croire reportée à quatre ans en arrière, n’est-ce pas, Cécile !… Une petite malle en plus !… l’excédent de quatre années !…