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vous n’eussiez pas eu besoin de vous réfugier dans l’amitié de ces gens-là. Vous viviez terrée chez la soeur, c’est vrai, mais rapidement, de cette intimité, vous passiez à un nouveau rôle… Vous avez toujours eu besoin d’actions publiques !… Nous avons appris que vous vous occupiez de philanthropie, d’œuvres de soldats. Vous avez commencé à diriger des ouvroirs, des administrations de charité… Vous rentriez dans la vie publique par toutes les portes de la bienfaisance.

GINETTE.

Chacun comprend la douleur et le devoir d’une manière différente. Chacun sa nature, Cécile ! Ce n’est pas la mienne de pleurer ou de gémir. Oui, j’ai pu reprendre goût à vivre, à travailler simplement. C’est vrai, je suis bruyante, maladroite ! Un trop-plein de santé, de convictions à dépenser !… Cela ne m’empêche pas de sentir très en profondeur. Seulement, voyez-vous, j’estime aussi qu’il ne faut pas se confiner en soi-même, se soumettre à ses sensations, mais au contraire, aller sainement son chemin droit devant soi.

CÉCILE.

C’est plus commode ! Eh bien ! moi j’interviens, j’ordonne… Je ne vous supporte pas infidèle à sa mémoire… (Éclatant.) Ah ! ça ! mais comment avez-vous pu penser une seconde que je vous laisserais être heureuse dans la vie !

GINETTE.

Ah ! voilà le vrai mot lâché, le cri du cœur ! Voilà le vrai mobile qui vous pousse !

CÉCILE.

Celui-là aussi, je l’avoue ! Alors, vous alliez, deux ans après, tranquillement vous marier, créer votre foyer à vous, ici, dans la même ville que