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que vous avez contractés !… oui, des devoirs, car, ayant voulu sa mort, c’est par delà le tombeau que vous vous êtes unie à lui. Ah ! il y a tout de même une catégorie d’êtres avec qui ce n’en est pas fini ! ce sont les appeleurs, ceux qui, sans rien risquer, les pieds au chaud, leur ont crié : « En avant !… Ah ! nos beaux, nos grands héros !… Sont-ils beaux, regardez-les ! Ils ne se plaignent même pas !… Défendez-nous bien !… Nous, nous restons à vous admirer !… Allez donc, braves héros !… » Les appeleurs, les vendeurs de beauté qui criaient : « Venez tous… voici le grand rendez-vous de la mort ! » Eh bien ! maintenant, ceux-là ne sont pas quittes envers ceux qui sont tombés à leur ordre !… D’autres oui, mais pas vous ! Vous êtes enorgueillie d’avoir été l’inspiratrice ; vous devez être et vous serez la lampe fidèle ; vous partagerez avec moi la longue douleur de la fidélité, Ginette… Je le veux… ah ! je le veux de toutes mes forces ! Vous n’avez pas de liens légaux qui vous unissent à lui, mais moi, je vous impose tous les droits et tous les soucis de la veuve… Fidèle à lui, je vous veux ! toute à son souvenir, rien qu’à son souvenir ! Ah ! comme j’y tiens ! Vous me l’avez pris : maintenant vous lui appartiendrez comme moi je lui appartiens. Pas de voile blanc sur la tête, jamais ! Pas de fleurs !… Ceci, ceci !

(Elle saisit un pan de son long voile noir et, de force, en couvre la tête blonde de Ginette. On dirait un funèbre coup de filet.)
GINETTE, (se dégageant.)

Oh ! pourquoi la dérision de ce voile ! Pourquoi venez-vous m’insulter, Cécile, en m’accusant d’un oubli qui n’est pas… Cette grande pensée épurée règne encore sur tous mes instants, je le jure.